Texte écrit pour le catalogue de l’exposition Hier j’ai vu une baleine dans la Seine au Centre d’Art Camille Lambert de Juvisy, 2024
Commissaire Morgane Prigent.
Natalia Jaime-Cortez aime à inscrire son travail dans l’espace en imaginant des installations qui naissent d’une imprégnation du lieu et de son contexte. À Juvisy-sur-Orge la proximité avec la Seine a dans un premier temps été le point de départ d’une performance, celle de compter le nombre de ses pas séparant l’Espace d’art et le fleuve. L’arpentage s’est ensuite poursuivi dans la galerie afin de se l’approprier avant de l’investir. Le ressenti et le sensible sont au cœur de la démarche de l’artiste qui construit peu à peu, à l’écoute, ses mises en espace.
Pour cette exposition, Natalia Jaime-Cortez a fait le choix d’insuffler une certaine narration. Hier j’ai vu une baleine dans la Seine invite à une déambulation dans un paysage de bord de mer. Ses dessins colorés restent de l’ordre de l’abstraction mais la visite répond à un cheminement. Des papiers blancs guident le public vers un premier espace baigné de lumière où les dessins aux tons telluriques les attendent avant de pénétrer dans la dernière salle, plus feutrée, où l’on s’immerge dans les profondeurs et le bleu des abysses.
La promenade proposée est contextualisée par le bruit du vent qui souffle. Le son émane d’une vidéo, filmée sur une plage d’une zone aride de Patagonie où justement l’artiste a vu une baleine. Point de départ de la visite, les images de cette performance intime, où Natalia Jaime-Cortez se met en scène avec sa fille et une grande feuille de papier convoquent des souvenirs universels, ceux de temps passés en famille sur une plage ou de luttes avec le vent pour dompter une serviette tout en donnant à découvrir la rudesse de cette terre. Cette ouverture d’exposition installe une connivence avec les regardeurs qui se prolonge ensuite dans les panoramas offerts à la contemplation.
À partir d’un pan de dessins prédéfini à l’atelier s’est peu à peu déployée la suite du parcours sur des barres métalliques soudées sur place. Suspendus et non plus déchirés comme ce fut longtemps le cas dans sa pratique, les papiers s’offrent dans une frontalité et conservent leur format rectangle originel qui n’est pas sans convoquer celui du tableau.
La couleur, au cœur du travail de Natalia Jaime-Cortez, est toujours appliquée par immersion du papier dans des bains d’encre colorée dont le retrait au moment du séchage crée des mouvements, traces, faux plis dont l’artiste se joue. Ses supports, les mêmes feuilles de fibre de coton depuis une dizaine d’années, dont l’aspect évoque le tissu, offrent une réelle picturalité aux œuvres.
Deux propositions sonores invitent à prendre le temps, celui de l’écoute dont la lecture d’une fable de Bérangère Cournut qui a été sollicitée par l’artiste à écrire un texte qui vient ici accompagner la contemplation et le voyage sensible auquel Natalia Jaime-Cortez nous convie.
Février 2024.