
Exposition personnelle Centre d’art Camille Lambert à Juvisy
Janvier-Mars 2024
Commissaire: Morgane Prigent













Immersion colorée
Natalia Jaime-Cortez aime à inscrire son travail dans l’espace en imaginant des installations qui naissent d’une imprégnation du lieu et de son contexte. À Juvisy-sur-Orge, la proximité avec la Seine a dans un premier temps été
le point de départ d’une performance, celle de compter
le nombre de ses pas séparant l’Espace d’art et le fleuve. L’arpentage s’est ensuite poursuivi dans la galerie a n de se l’approprier avant de l’investir. Le ressenti et le sensible sont au cœur de la démarche de l’artiste qui construit
peu à peu, à l’écoute, ses mises en espace.
Pour cette exposition, Natalia Jaime-Cortez a fait le choix d’insuffler une certaine narration. Hier j’ai vu une baleine dans la Seine invite à une déambulation dans un paysage de bord de mer. Ses dessins colorés restent de l’ordre
de l’abstraction mais la visite répond à un cheminement. Des papiers blancs guident le public vers un premier espace baigné de lumière où les dessins aux tons telluriques
les attendent avant de pénétrer dans la dernière salle,
plus feutrée, où l’on s’immerge dans les profondeurs
et le bleu des abysses.
La promenade proposée est contextualisée par le bruit du vent qui sou e. Le son émane d’une vidéo, filmée
sur une plage d’une zone aride de Patagonie où justement l’artiste a vu une baleine. Point de départ de la visite,
les images de cette performance intime, où Natalia Jaime-Cortez se met en scène avec sa fille et une grande feuille de papier, convoquent des souvenirs universels, ceux de temps passés en famille sur une plage
ou de luttes avec le vent pour dompter une serviette tout en donnant à découvrir la rudesse de cette terre. Cette ouverture d’exposition installe une connivence avec les regardeurs qui se prolonge ensuite dans
les panoramas ouverts à la contemplation.
À partir d’un pan de dessins prédéfini à l’atelier s’est
peu à peu déployée la suite du parcours sur des barres métalliques soudées sur place. Suspendus et non plus déchirés comme ce fut longtemps le cas dans sa pratique, les papiers s’offrent dans une frontalité et conservent
leur format rectangle originel qui n’est pas sans convoquer celui du tableau.
La couleur, au cœur du travail de Natalia Jaime-Cortez,
est toujours appliquée par immersion du papier dans
des bains d’encre colorée dont le retrait au moment
du séchage crée des mouvements, traces, faux plis dont l’artiste se joue. Ses supports, les mêmes feuilles de bre de coton depuis une dizaine d’années, dont l’aspect évoque le tissu, offrent une réelle picturalité aux œuvres.
Deux propositions sonores invitent à prendre le temps, celui de l’écoute, dont la lecture d’une fable de Bérangère Cournut sollicitée par l’artiste à écrire un texte
qui vient ici accompagner la contemplation et le voyage sensible auquel Natalia Jaime-Cortez nous convie.
Morgane Prigent, février 2024.