2013 – Géographie du pli de Emeline Eudes

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Géographie du pli/ Emeline Eudes

Sur le travail de Natalia Jaime-Cortez par Emeline Eudes pour la revue Facette 2014

Version intégrale illustrée: 

http://issuu.com/50degresnord/docs/facettes0/111?e=14232938/10439381

Il faut s’attendre à ce que « ça » parte, comme elle dit. Que les signes, les gestes, les poids du corps s’élancent. Que les trajectoires peu à peu s’amorcent, sur le carré noir tracé au sol, sur le rectangle du mur blanc, dans le carré de la page. Entre l’expiration de l’instant précédent et l’inspiration du moment présent.

Les gestes que Natalia Jaime-Cortez (née en 1983) développe depuis maintenant plusieurs années apparaissent comme une longue conversation exploratoire entre elle et les matériaux du monde. Des matériaux très simples, presque atemporels du point de vue de l’humanité : le charbon, l’encre, l’eau, le corps – son corps, le temps. Passant allègrement de la performance physique au dessin, et du dessin de nouveau au geste, l’artiste semble prolonger un seul et même mouvement qui serait celui de la danse. Positionnement du corps dans l’espace, déploiement du geste, mesurer les creux entre soi et l’outre-soi ; il en va de même avec le dessin : poser les repères, garder mémoire des déambulations physiques et mentales, mettre en rapport. Danse et dessin s’inventent ainsi ensemble dans le parcours de cette jeune artiste. Ils s’inventent comme en miroir, se reflétant l’un l’autre, reprenant les traits et les figures mis à l’épreuve de l’espace, mais faisant aussi glisser parfois les symétries.

Sur les pas de Natalia Jaime-Cortez, il s’agit donc au premier abord d’explorer espace et temps ; il s’agit de naviguer.

Ainsi le dessin intitulé Erre s’apparente-t-il à une cartographie où l’espace ne se caractérise pas par son relief, comme bien souvent dans les cartes topographiques, mais par un état de latence. Dans un carré majoritairement blanc, l’inscription dévoile des vécus – ICI CORPS, des ressentis – ICI RIEN, des bouts inframinces d’expérience – ICI SEULEMENT, ICI FIN. Les nombreuses occurrences du terme ICI, ainsi que celui de LA BAS, nous indiquent bien qu’il est question, sinon de se déplacer, d’être là. De penser à être là. De se rappeler d’avoir été là. Et déjà je remplace ‘ici’ par ‘là’ parce que je suis sortie du champ de cette carte de présence. Je ne peux faire qu’une référence distanciée à cet ici, puisque je rapporte une présence incarnée et située par des mots écrits ailleurs en un autre temps. Erre ne devrait pas nous inviter à écrire, mais à projeter notre corps sur les pistes laissées à notre attention par l’artiste. Erre est ici pour nous faire renouer avec des pérégrinations géo-mentales que nous avons abandonnées, faute de curiosité pour l’étrangeté de notre présence au monde.

Dans son ouvrage Théorie du voyage, Michel Onfray explore comment la géographie, en tant qu’écriture de notre monde physique, porte en son système même une poétique propice à la rêverie. Avec pour premier objet du désir les cartes : « Sur une carte, on effectue son premier voyage, le plus magique, certainement, le plus mystérieux, sûrement. Car on évolue dans une poétique généralisée de noms, de tracés, de volumes dessinés, de couleurs. »[1] Si mystère il y a, c’est en raison de l’écart entre les signes inscrits à la surface de la carte et la réalité d’un espace physique qui a lieu ailleurs. En raison de l’écart entre les images mentales que l’on crée à partir de ces signes et un site hors de portée. Erre, de Natalia Jaime-Cortez, agit sur ce principe : mettre en avant l’écart pour stimuler l’envie d’aller vérifier sur place, à quel type d’expérience cet ici peut donner lieu.

La performance Window, réalisée en 2013 à l’H du Siège – Valenciennes, est un bon exemple d’une mise en geste de cartographie errante telle que l’artiste la conçoit. Au sol, un grand carré noir au graphite matérialise non plus la surface de la carte, mais la zone de l’expérience concrète. Elle est une portion d’espace à explorer à la mesure du corps de l’artiste. Les ICI, SOL, RIEN, TOUT, mais aussi les signes ‘infini’, les plus et les moins deviennent palpables à travers les positionnements, les passages rapides ou bien les arrêts notés par le corps de l’artiste. La carte devient vie, mouvement. Présence.

L’artiste dira que le corps « se désoriente et s’oriente », qu’un mot peut faire basculer l’équilibre, faire tomber le corps. Les verticales et les horizontales ne semblent alors plus toujours être celles qu’il y paraissait au départ.

C’est la caractéristique du carré qui intéresse particulièrement l’artiste. L’hypersymétrie de cette figure désintègre d’emblée le haut et le bas, la droite et la gauche. Elle permet des sens de lecture multiples, de croiser les trajectoires sans que les unes prennent le dessus sur les autres. Le carré est un monde en soi au sein duquel il appartient à l’artiste de créer des dimensions aussi bien sémantiques que conceptuelles, pour mieux les défaire et les reconstruire de nouveau, chaque fois autrement. Le carré invite ainsi à la variation, et c’est pourquoi cette forme ponctue les travaux de Natalia Jaime-Cortez comme autant de chances de faire des mondes.

Ce mode de conception n’est pas sans rappeler la théorie de la partition que Nelson Goodman a développée à l’occasion des Langages de l’art. Pour le philosophe, deux modes de production se distinguent : les arts autographiques et les arts allographiques. Pour les premiers, la reproduction d’une œuvre, aussi semblable soit-elle, n’accèdera jamais au statut d’authenticité que possède l’originale, comme c’est la cas dans le domaine de la peinture notamment. Dans la seconde catégorie, l’œuvre est incarnée dans ce que Goodman nomme une « partition » qui peut donner lieu à de multiples exécutions, sans en modifier l’intégrité. Dans ce deuxième cas, la partition tolère une certaine marge de variation dans la façon d’exécuter l’œuvre, aussi longtemps que les caractères sémantiques et syntaxiques sont respectés. Largement inspiré par le fonctionnement de la notation musicale, ce type de partition semble bien correspondre à ce que Natalia Jaime-Cortez a mis en place dans la relation entre ses dessins et ses performances : un ensemble de notations qui se jouent et se rejouent en des temps et des espaces différents, avec tout ce que ces derniers facteurs peuvent introduire comme infimes renouvellements. « La fonction d’une partition est de spécifier les propriétés essentielles qu’une exécution doit avoir pour appartenir à l’œuvre ; les stipulations ne portent que sur certains aspects et seulement à l’intérieur de certaines limites. Toutes les autres variations sont permises et les différences entre exécutions de la même œuvre, même en musique, sont énormes. »[2]

Danse, partition et variation constituent ainsi les éléments fondamentaux de la musique que Natalia Jaime-Cortez a choisi d’exécuter. Depuis un an, cet ensemble connaît un nouveau développement à travers l’usage du pliage. Autour de ce geste, l’artiste a élaboré toute une série de phases qui prolongent l’idée de la partition. Une feuille de grand format est d’abord pliée de façon rigoureuse pour finir par prendre la forme d’un petit carré à l’échelle des mains. Le pliage est accompagné d’un repassage afin que les plis soient bien marqués et que la feuille garde sa qualité de surface, et évite de passer dans le champ d’un objet tridimensionnel. Une fois pliée en un seul carré, la feuille est trempée par ses bords dans un bain de lavis à base de graphite, de pigment ou d’encre colorée. Ce trempage peut avoir lieu pendant plusieurs heures, laissant ainsi au bain coloré l’occasion de ‘monter’ dans la fibre et d’imbiber la matière même du papier, créant au passage des gradations colorées. Le carré doit alors sécher, parfois pendant deux à trois semaines, selon l’épaisseur de la fibre, la quantité de liquide absorbée, la position verticale ou horizontale, l’humidité de l’air ambiant… Nombre de facteurs avec lesquels joue l’artiste, créant par ce biais la variation propre à la partition suivie.

Vient alors l’opération du dépliage.

Rendre à la vue.

« Les déplis nous donnent accès au possible de l’œuvre »[3] nous dit Georges Didi-Huberman à propos du travail du peintre Simon Hantaï.

Si comme Hantaï, Jaime-Cortez plie et déplie ses supports, le geste du déploiement fait cependant acte de dessin. Car pour l’artiste, ces pliages font partie de son activité graphique, contrairement à Hantaï pour qui il s’agit de peindre.

« Conjurer, en somme, cette évidence que, dans un tableau obtenu par pliage, on voit l’extension du dépli, on voit la trace des plis, mais on ne voit pas la profondeur des replis. »[4] explique encore Didi-Huberman.

Là où chez Hantaï il s’agit de peindre en faisant surgir les traces à la surface, il est question chez Jaime-Cortez de défier le filigrane du papier et de lui donner, sinon une profondeur, un volume naissant.

Là où le dessin se métamorphose en sculpture.

Car les pliures permettent à l’artiste de faire tenir ses dessins debout, à la verticale, sortes d’écrans épidermiques qui auraient conservé, imprimée, la trame d’une géographie charnelle.

La grille des carrés déployés vient ainsi habiter l’espace d’une présence essentialisée. Elle condense en ses pans une série d’expériences incarnées, vécues dans la chair et dans l’instant.

« Pour qu’il prenne sens, le voyage gagne à passer par un travail de resserrage, de compression. […] Le tri sévère écarte l’anecdote pour permettre à l’esprit de se concentrer sur l’essentiel – des émotions cruciales, des perceptions cardinales. Alors s’architecture un monde. »[5]

J’ai dessiné des mots, une multitude de mots comme des signes. Ils renvoient à tout et à rien, à ce que je devrais dire, à ce que vous pourriez penser, ICI ou là bas, aujourd’hui ou bientôt. Je suis ICI mais l’espace temps est disloqué et je voudrais ne rien oublier ou plutôt tout faire maintenant, ICI. Nous sommes au monde et nous passons. ICI. La mémoire est agitée. ICI. Souvenez vous du ciel bleu, convoquez les absents et demain sera aujourd’hui.[6]

Un travail tout en écho de langage :je te donne une première série de mots, et à chaque mot tu dois me répondre par un autre mot. Puis je te donne les mots que tu as toi-même énoncés, et à partir de ceux-ci tu en invites de nouveaux. Cela pourrait se propager à l’infini, dans un temps replié sur lui-même qui contiendrait en une boucle toutes les associations d’idées, les liens sémantiques, les souvenirs d’expériences. Une sorte de nœud d’existence, un univers à lui tout seul.

L’expérience esthétique impose « de réorganiser le monde en termes d’œuvres et les œuvres dans les termes du monde. »[7]

[1] Michel Onfray,Théorie du voyage, Poétique de la géographie, livre de poche, biblio essais, p.26

[2] Nelson Goodman, Langages de l’art, Hachette littératures, collection Pluriel, Paris, 2005, p.251

[3] Georges Didi-Huberman, Les replis de Simon Hantaï, dans Déplacer, déplier, découvrir, La peinture en actes, 1960-1999, Lille métropole, Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, 2012, p.48

[4] Georges Didi-Huberman, ibid, p.46

[5] Michel Onfray, ibid., p.105

[6] Natalia Jaime-Cortez, texte accompagnant la performance ICI créée en 2013.

[7] Nelson Goodman, ibid., p.284

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Geography of the Fold

On Natalia Jaime-Cortez’s artwork

by Emeline Eudes

Traduction Alexandra Bigaignon

As the artist stated, we should expect ‘it’ to soar up. The signs, the gestures and body weight will rush ahead. The pathways will gradually emerge, on the black square traced on the ground, on the rectangle of the white wall, on the square of the page. Between exhaling one’s last breath and inhaling the next.

The gestures that Natalia Jaime-Cortez (born in 1983) has developed over the last several years appear as a long exploratory conversation between her and the earth’s materials. Very simple, almost timeless materials from the perspective of humankind: coal, ink, water, the body – her body – and time. Happily shifting from physical performance to drawing, and from drawing to body language, the artist seems to extend one single movement, that of dance. Positioning the body in a given space, unfurling movements, measuring the lulls between oneself and beyond oneself. The same applies to her drawings: laying down points of reference, recording physical and mental wanderings, establishing links. In this young artist’s career, dancing and drawing reach the surface together. They come into sight as a mirrored response, reflecting each other, adorning the lines and shapes tested by space, but sometimes permitting the symmetry to slip out of true.

To retrace the steps of Natalia Jaime-Cortez is first of all an exploration of space and time: a circumnavigation.

Thus, the drawing entitled Erre (Wander) resembles a cartography where space is not characterised by its relief, as is often the case in topographic maps, but by a period of latency. In the mostly white square, the writing reveals a series of experiences – ICI CORPS (here body), impressions – ICI RIEN (here nothing), segments of ‘infra-thin’ experiments – ICI SEULEMENT (here only), ICI FIN (here end). The numerous occurrences of the term ICI (here), as well as LA BAS (there), clearly indicate that what is at stake is being here – present – rather than moving about. To think about being here. To remember that one was there. And I am now replacing “here” by “there” as I am stepping out of this map of my momentary presence. I can only make a remote reference to this ‘here’, since I am referring to an embodied presence, set in place by words written elsewhere at another time. Erre should not invite us to write, but rather to project our body on the tracks which the artist has left for our attention. Erre is here to restore the geo-mental journeys that we had forsaken for lack of curiosity about how strange our presence in the world is.

In his book, Theory of Travel, Michel Onfray explores how geography, as a means to describe our physical world, bears in its very system a poetic nature conducive to reverie. The first object of desire being the maps: “On a map, we embark on our first journey, probably the most magical one, definitely the most mysterious. Because we navigate in an extensive poetics of names, of lines, of drawn volumes, of colours.”[1] And if there is mystery, it is due to the gap between the signs inscribed on the surface of the map and the reality of a physical space which occurs elsewhere; the gap between the mental images we create for these signs and a place that is beyond our reach. Erre, by Natalia Jaime-Cortez, uses this effect: highlighting the discrepancy to stimulate the desire to check on-site what type of experience would take place while being T/HERE.

Her performance Window, presented in 2013 at L’H du Siège, in Valenciennes, France, is a good example of this wandering mapping-in-motion as the artist perceives it. On the ground, a big black square traced with coal no longer materialises the surface of the map, but the boundaries of concrete experience. It is a portion of space to be explored in tune with the artist’s body. Words such as ICI (here), SOL (ground), RIEN (nothing), TOUT (everything), but also the ‘infinite’ signs/signs such as the term “infini” (infinite) (NDT: signes ‘infini’? de quoi parle-t-on de signes infinis ou du signe “infini”) and the polar opposites become tangible through postures, rapid crossings or pauses marked by the artist’s body. The map becomes life, movement. Presence. Natalia Jaime-Cortez claims that the body is “oriented and disoriented”; one word can tip the balance, make the body fall. Vertical and horizontal lines no longer appear what they seemed to be at first.

The artist is particularly interested in the square and its characteristics. The hyper-symmetry of this shape disintegrates at a stroke, both top and bottom, both right and left. It allows multiple reading points, to cross pathways without one overtaking the others. The square is a world in itself within which it is the artist’s task to create dimensions, both semantic and conceptual, the better to undo them and rebuild them again, each time in a different fashion. The square also invites variation and this is why Natalia Jaime-Cortez punctuates her artwork with this shape, which provides so many opportunities to create worlds. This operating mode is reminiscent of the “theory of notation” that Nelson Goodman developed in his book Languages of Art: An Approach to a Theory of Symbols. For the philosopher, two modes of production may be distinguished: autographic arts and allographic arts. For autographic arts, the reproduction of an artwork – no matter how close it is to the original – will never reach the status of authenticity that is inherent to the original, as is notably the case in the field of painting. For allographic arts, the work is embodied in what Goodman calls a “score” which can give way to multiple interpretations, without affecting its integrity. In this case, the score tolerates a certain margin of variation in the way the piece is performed, as long as the semantic and syntactic features are observed. Largely inspired by the way musical notation operates, this type of score seems to correspond to what Natalia Jaime-Cortez has developed in the relation between her drawings and her performances: a set of notations that can be performed, again and again at different times in different locations, with all that these factors may introduce as minute renewals. “The function of a score is to specify the essential properties a performance must have to belong to the work; the stipulations are only of certain aspects and only within certain degrees. All other variations are permitted and the differences among performances of the same work, even in music, are enormous ».[2]

Dance, score and variation therefore constitute the fundamental elements of the music that Natalia Jaime-Cortez has chosen to perform. For the last year, her body of work has developed further with the use of folding. Around this gesture, the artist has devised a series of sentences which extend the idea of score. A large sheet of paper is first folded in a rigorous manner and eventually takes the shape of a square small enough to fit into one’s hand. After the folding comes ironing to ensure that the folds are clearly marked and that the folded paper stays flat, rather than becoming a three-dimensional object. Once folded into one single square, the edges of the piece of paper are immersed in ink based on graphite, pigment or dye. This immersion can take place over several hours, thus allowing the coloured solution to penetrate the fibre and to soak the very material of the paper, creating in the process coloured gradations. Then the square has to dry, sometimes for two to three weeks, according to the thickness of the fibre, the quantity of liquid absorbed, the vertical or horizontal position, the humidity of ambient air… The artist plays with all these factors; thereby creating the variation inherent to the score she is following.

Then comes the unfolding.

“The unfolded elements give access to the possibilities of the work”[3] states Georges Didi-Huberman of painter Simon Hantaï. If like Hantaï, Natalia Jaime-Cortez folds and unfolds her artwork, the act of unfurling itself is a form of drawing. Indeed for the artist, paper-folding forms part of her graphic activity, unlike Hantaï for whom it is painting. As Didi-Huberman goes on to explain: “Revealing, in other words, the evidence that in a painting obtained through folding, we see the extension of the unfolding, we see the traces of the folds, but we don’t see the depth of the creases.”[4] Where in Hantaï’s case the paint works to bring out traces on the surface, Jaime-Cortez attempts to defy the paper’s filaments and to produce, if not depth, the hint of a volume. 

Where drawing becomes sculpture. The folds allow the artist to keep her drawings upright, on a vertical plane, a form of epidermal screens which would have preserved, in print, the threads of a physical geography. The grid formed by the unfolded squares therefore inhabit the space with a presence that is rendered down to its essentials.

 She condenses within each layer one of a series of embodied experiments, lived in the flesh and in the moment. This is what the insistent repeating of the word ‘ICI’ (here) in the writings of the artist tries to whisper to us: “I am HERE but the space-time continuum has disintegrated and I don’t want to forget anything or in other words I’d do everything now, HERE. We are in the world and we pass. HERE.”[5] Therefore, the act of unfolding is to explore the inside of an experience, to unfurl the facets of an experiential kaleidoscope which would retain from language an articulated grid, where one responds to another. Close and yet always a little different. And this is the game that the artist and I ended up playing. Trying both to be “in the world” and not to “forget anything”, by stating in turn the terms that reveal our presence. An echo of language: 

I give you a first series of words, and for each word, you have to respond with another. Then, I give you the words that you have enunciated, and from these words, you invite new ones. This could continue indefinitely, a time folded onto itself, containing in a loop, all the associations of ideas, the semantic links, the memories of experiences. A kind of knot of existence, a world in itself.

The aesthetic experience is “reorganizing the world in terms of works and works in terms of the world.”[6] 

[1] Michel Onfray,Théorie du voyage, Poétique de la géographie, Livre de poche, Biblio essais, p.26

[2] Nelson Goodman, Langages de l’art, Hachette littératures, collection Pluriel, Paris, 2005, p.251

[3] Georges Didi-Huberman, Les replis de Simon Hantaï, in Déplacer, déplier, découvrir, La peinture en actes, 1960-1999, Lille métropole, Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, 2012, p.48

[4] Georges Didi-Huberman, ibid, p.46

[5] Natalia Jaime-Cortez, text of her performance ICI, created in 2013.

[6] Nelson Goodman, ibid., p.284

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